Pourquoi ce site ?

Le présent site a pour caractéristique fondamentale d’être tenu par des personnes de divers horizons soucieuses des événements de notre temps. Sa raison d’être prend sa source dans la volonté de ses auteurs d’analyser et de prendre du recul sur les événements qui jalonnent la vie publique. Le premier article publié sur le site détaille la raison de ces écrits :

Faire un éloge de la contrainte peut sembler, de prime abord, un exercice paradoxal. En effet, qui aime être contraint ? N’est-ce pas synonyme d‘aliénation, d’entrave à la la liberté ou de soumission ?

Pourtant, dans une société qui met la liberté individuelle en tête des valeurs qu’elle promeut, ces contraintes existent en nombre, conscientes ou inconscientes, écrites ou non écrites, que l’on parle de la loi républicaine s’imposant en principe à tous ou des règles élémentaires de civisme régissant toute communauté qui se respecte.

Il existe donc une tension permanente entre ces « contraintes », s’imposant à chacun, et l’exhortation contemporaine à la liberté illustrée par le mouvement historique d’extension permanente des droits individuels. Se pose ainsi la question de la possibilité de conciliation et même de la survie des règles contraignant l’individu, dans une époque où la volonté de ce dernier est tant mise en avant.

Tout d’abord, posons la question de la nécessité de la contrainte. La contrainte existe par le simple fait que nous vivions en communauté. En effet, si le solipsisme était la règle, point de contraintes. L’Homme totalement seul n’a personne d’autres à qui penser, avec qui partager, de qui il faudrait se protéger ou à l’inverse protéger. En somme, pas de notion de justice et, comme le disait Merleau-Ponty, « on ne peut être juste tout seul, à l’être tout seul on cesse de l’être ». Cette réalité existe déjà à l’échelle du foyer où la question théorique des droits et devoirs se pose de manière concrète et banale par l’attribution des tâches ménagères à chacun, de manière plus ou moins démocratique et plus ou moins égalitaire.

Cependant, à la différence d’un foyer, la société est un lieu où l’on ne choisit pas de vivre ensemble, où l’on se trouve embarqué de fait avec des individus inconnus de nous et avec qui nous ne partageons pas de but commun a priori. « A priori » seulement car les individus sont tenus les uns aux autres par des liens existant de fait – Histoire, mœurs et traditions communes – ou que l’on peut faire naître artificiellement par des voies politiques. Ainsi, en France, la solidarité nationale s’exprime par le modèle social français et la protection attribuée à qui en a besoin et financée de manière collective.

La contrainte apparaît donc comme nécessaire pour faire tenir les sociétés ensembles, ce qui est, aujourd’hui, un exercice complexe à partir du moment où l’individualisme semble l’emporter. Pour que la contrainte puisse s’imposer ou résister, il faut donc qu’elle s’impose avec vigueur soit avec le concours d’institutions apparaissant comme légitimes donc respectables donc respectées, soit par la pertinence intrinsèque de la règle admise, pertinence admise par tous. Néanmoins, dans des sociétés libérales individualistes et sécularisées, le nombre de valeurs acceptées unanimement se réduit à peau de chagrin. Communautarisme, corporatisme et exhortation à la différence faisant la loi, les sources communes servant de bases aux contraintes semblent disparaître.

C’est justement dans ce moment qu’il apparaissait nécessaire, aux yeux des auteurs de ce blogue d’insister sur l’importance capitale que revêt la notion de contrainte, de règle, de norme.

Sans en revenir aux thèses d’Hobbes ou de Rousseau sur le contrat social, rappelons tout de même que la vie en collectif, permise par l’existence de contraintes, autorise de vivre dans une paix relative à tout le moins, voire de se fabriquer une destinée commune qui donne à la vie tout son sens.

Rappelons également que la contrainte n’est pas une atteinte au plaisir, but suprême guidant la vie de tellement d’individus. Au contraire, la contrainte peut permettre le plaisir collectif en encadrant l’activité de chacun et en la régulant. Quel plaisir y-a-t-il à gagner un jeu de manière illégitime ? Qu’en reste-t-il à part de l’amertume pour le tricheur découvert et de la colère pour ses concurrents, défaits ?

L’esprit du temps, que l’on peut définir comme « libéral-libertaire » depuis 50 ans, laisse un Occident à bout de souffle car emporté dans une course en avant sans fin vers ce que l’on appelle parfois abusivement « le Progrès ». Conjonction de l’extension des libertés individuelles et de l’amélioration continue des techniques scientifiques, le Progrès, s’il était salutaire les siècles précédents, en ce qu’il a permis l’émancipation des individus et l’amélioration des conditions de vie, semble aujourd’hui être devenu sa propre fin. Science sans conscience est plus que jamais ruine de l’âme.

En effet, dans une époque où tout est scientifiquement possible et où, dans les esprits, tout est pensable, tout devient donc faisable, la seule limite étant l’imagination humaine. Contaminé par le goût de la possession matérielle et de son accumulation illimitée, cet état d’esprit a pour résultat un monde où la violence et la concurrence économiques font rage, l’écosystème se dégrade au point que l’Organisation Mondiale de la Santé déclare l’air comme cancérigène, l’uniformisation continue des comportements dans la Globalisation tend à faire à disparaître les traditions et les différences.

Faire un éloge de la contrainte consiste donc à faire naître ou renaître des structures permettant de régler le dérèglement du monde.

Cela revient à redessiner un Homme non pas « nouveau », mais comme il est, c’est à dire non pas une pure volonté individuelle à vocation purement performative ou économique mais un individu relié à l’autre par des valeurs, des mœurs, un écosystème commun, ancré dans un Patrimoine, une Géographie, une Histoire.

Concluons par cette phrase d’Albert Camus résumant notre projet : « Chaque génération, sans doute, se croit vouée à refaire le monde. La mienne sait pourtant qu’elle ne le refera pas. Mais sa tâche est peut-être plus grande. Elle consiste à empêcher que le monde se défasse. »